vendredi 9 mars 2007

Monde maudit

L’aube se lève sur les terres détruites par la folie d’hommes de pouvoirs. Plus aucun arbre ne recouvre ces vallées, ou du moins le peu qu’il reste est calciné et son odeur envahit l’air. L’herbe a disparue, elle est partie en même temps que ces milliers d’habitants qui avaient sur ces champs une petite maison où loger. Maintenant un nouveau monde est né. Fruit de la désolation et de la destruction, on n’y voit que cicatrices et trous, qui ne dévoilent que la bêtise humaine. Tout n’est que gris, le jour, la terre, l’humeur, les soldats, il n’y a plus que du gris, les couleurs sont parties en exil. On peut y apercevoir des tranchées, traçant des frontières entre les peuples désunis. Dans ces failles espèrent des milliers d’hommes. Ils rêvent d’une éventuelle fin. Ils s’imaginent loin de cette misère qui les oblige à mettre un pied sous terre alors que l’heure n’a pas encore sonnée. Mais ils essaient avant tout de se persuader que cette guerre, ce cauchemar, n’a jamais existé, qu’ils ne sont jamais venu ici, que ces soldats n’ont jamais existé, que rien n’a jamais existé… On dit que l’espoir fait vivre, alors certains ont perdu l’espoir mais d’autres l’ont gardé, mais probablement pour rien, car le dernières solutions sont se cacher, tuer, ou mourir. Quelle variété de choix. Monde maudit.

Encore une journée qui commence. Ce n’était pas ma nuit de garde, pour une fois que je suis chanceux, mais le froid m’avait vite fait changer d’avis. Les nuits étaient pires que les jours. Aucun changement : pluie, froid, boue…Ma femme me manquait terriblement. Mais une seule pensée d’elle me faisait oublier toute cette pourriture, cette spirale infernale. Les pleures étaient toujours plus fort que tout, et pourtant si réchauffant. Je maudissais ces hommes qui savaient si bien nous manipuler. Ils ne connaissaient pas tout ce merdier. A croire qu’ils n’avaient jamais connu l’amour. Un regard sur le champ de bataille donnait un aperçu de l’enfer. Qu’était devenue cette majesté de la nature qui régnait pourtant sur les êtres vivants depuis le début de l’histoire, de notre histoire. Mais voilà, nous, les hommes, avons tout gâchés, nous n’avons pas su nous contenter de ce qui nous était donné. Nature, ta beauté était ta seule raison d’être, tu illuminais le cœur des hommes de tes couleurs à la gloire de la magnificence absolue. Mais certains, ayant le pouvoir aux bouts de leurs doigts ont tout sacrifié pour le massacre. Reviens ! Imposes ta beauté absolue. La guerre a trop durée, et le mot paix quitte peu à peu l’esprit des hommes. Vite, avant qu’il ne soit trop tard ! Ce cauchemar à trop duré, le mensonge à trop duré ! Nous ne serons plus jamais les esclaves du pouvoir et de la folie ! Posons nos armes, la fleur au fusil, révoltons nous comme une vague envahissant le port. Nos forces sont encore là, ce n’est pas par la violence que nous vaincrons mais par la solidarité et par la force de l’esprit. Partons, hissons le pavillon blanc. Lâchons les colombes. Tout est fini.

mercredi 27 décembre 2006

L'oeuvre


  • Généralités

Les Fusillades du 3 mai est un tableau de Francisco de Goya qui représente l'exécution d'un groupe de rebelles par les soldats de Napoléon 1er. Contrairement à une grande majorité de tableaux de l'époque, celui-ci n’est pas une commande : c’est GOYA lui-même qui a proposé à la Régence de peindre un hommage aux héros de la guerre. Pour comprendre cette proposition, il faut revenir au contexte de l'époque. Dans la nuit du 2 au 3 mai 1808, les soldats français - en représailles après la révolte du 2 mai - exécutent les prisonniers qu'ils ont faits au cours de la bataille. En 1813, quand Napoléon rappelle ses troupes et abandonne l'Espagne, son frère Joseph quitte le trône, suivi par des dizaines de milliers d'Espagnols, collaborateurs de l'occupant français. Ferdinand VII restaure l'ancien régime et commence une campagne d'épuration, en particulier contre les intellectuels favorables à l'instauration par la France d'une constitution libérale en Espagne. GOYA ne fait pas exactement partie des collaborateurs mais en 1808, il avait juré "amour et fidélité" au roi Joseph et avait fait le portrait de plusieurs occupants. Il s'active donc pour démontrer son patriotisme et propose au gouvernement la réalisation de toiles à la gloire des révoltés. Lorsque Goya peint cette scène en 1814, il ne la connaît que par de nombreux témoignages (il n'y a pas assisté personnellement). Il rend hommage aux victimes de cette révolte contre l'occupant français en Espagne. Grâce à ses toiles (2 Mai et 3 Mai), le peintre traverse l'épuration et retrouve même son ancienne charge de peintre du roi.

  • L’œuvre en détails
Dans ces deux tableaux (2 et 3 Mai) comme dans ses toiles postérieures, Goya peint par touches épaisses de couleurs sombres, illuminées de jaune brillant et rehaussées de rouge. Le peintre gifle sa toile à grands coups de pinceau, esquisse les visages, distribue les masses sombres, fait éclater la lumière sur l’homme qui va mourir, dressé dans un dérisoire sursaut. La composition des couleurs donne une dynamique au tableau. L'oeil est d'abord attiré par la tache lumineuse du martyr habillé de blanc, puis il suit son regard et découvre les soldats. Ces derniers formant une masse plus sombre, le regard repart vers l'homme en blanc. Ce va-et-vient donne au spectateur l'impression de participer à la scène. Au centre du tableau, on peut lire la terreur sur le visage de l'homme en blanc. Ses yeux ne quittent pas les fusils des soldats, tueurs anonymes dont on ne distingue pas le visage. Il a les bras ouverts, comme un crucifié, un martyr. Pour accentuer la position christique de l'homme, Goya a placé sur sa main droite un stigmate, signe chrétien de la crucifixion. Au premier plan, un homme à terre baignant dans son sang rappelle le prix payé par le peuple de Madrid. GOYA n'oublie cependant pas de faire figurer l'église. Au premier rang des victimes, agenouillé, ou en train de prier Dieu, se trouve un prêtre tonsuré et en robe de bure. L'église a joué dans le conflit un rôle prépondérant, appelant à la résistance et fournissant des prêtres prêts à prendre les armes.

L'auteur


GOYA est né près de Saragosse, en Espagne. Vers 1760, Goya y étudie la peinture chez José Luzan. Il est à Madrid en 1763 et se présente au concours de l'Académie, auquel il échoue. En 1766, il échoue au concours triennal de l'Académie de Madrid. Entre 1767 et 1770, Goya quitte Madrid pour la France puis l'Italie. En juillet 1773, Francisco Goya épouse Josefa Bayeu, la soeur de Francisco Bayeu, âgée de 26 ans. Il s'installe alors à Madrid. En 1780, Goya est nommé académicien de mérite à l'Académie de San Fernando puis le 4 mai 1785, il y est nommé directeur adjoint de la peinture. Le 25 juin 1786 enfin, il est nommé peintre du Roi d'Espagne. En 1790, il est éloigné de la cour, où il perd ses protecteurs. En 1792 il tombe gravement malade lors d'un voyage à Cadix. Après plusieurs mois de maladie, il reste physiquement faible et complètement sourd. Suite à cela, il abandonne en 1797 son poste de directeur de la peinture de l'Académie de San Fernando. Inquiété par l’Inquisition sous Ferdinand VII, il s’exile à Bordeaux.

Lorsqu’en 1800, GOYA peint la "Famille de Charles IV", il est au faîte de sa carrière officielle : il réussit le prodige d’offrir au regard une œuvre, synonyme de beauté, dont le sujet n’est pas la beauté mais un tableau de caractère.Francisco Goya ne peut se classer dans aucune périodisation ou aucun style de romantisme particulier, faisant de lui un exemple isolé. Il participe à la fois à ce courant « gothique » de la fin du XVIIIe siècle, tout en prônant un monde nouveau." La manière d'étaler la couleur, les effets dramatiques et l'emploi de la lumière rappellent le Baroque mais par son esprit, l'œuvre de Goya appartient tout entière au XIXe siècle. Non seulement ses thèmes sont audacieux, inédits, mais certains aspects de sa technique picturale le sont tout autant. On en voit la preuve dans les peintures monochromes, fantastiques dont il s'entoure vers la fin de sa vie, et encore dans son œuvre célèbre, "le 3 mai 1808", où les condamnés tombent sous le feu du peloton d'exécution, non plus au nom d'une justice divine, mais au nom de la liberté..."(C.Wentinck)

Mon avis

J’ai choisi de présenter « les fusillades du trois mai » de Goya, car ce tableau me touche. Le peintre a su rendre avec force des sentiments encore très actuels deux siècles plus tard. J’aimerais vous faire partager mon point de vue.

Une des principales qualités de ce tableau est, selon moi, son réalisme : dès que l’on voit ce tableau, on est plongé au milieu de la scène, on partage la peur et la souffrance des rebelles, et l’indifférence presque agressive des soldats (traduite par leur position : penchés en avant, fusil à l’épaule, sans un regard autour d’eux). Les dimensions très importantes du tableau (plus de 2 mètres sur trois) renforcent cette impression de réalisme car les personnages sont presque à taille humaine. J’admire la manière dont GOYA utilise la lumière pour mettre en évidence les exécutés, leurs ombres et les soldats. Il utilise cette lumière pour faire passer son message : les exécutés, éclairés, représentent la lumière et l’avenir du pays, contrairement aux soldats, mal éclairés et en uniforme sombre, qui symbolisent l’oppression et la chute du pays. Les couleurs utilisées sont très intéressantes : des couleurs chaudes, mais vives, qui contrastent avec l’idée de la mort présente dans ce tableau pour montrer que même dans la mort subsiste l’espoir.
Pour moi, cette œuvre symbolise la résistance. Elle me fait penser aux résistants de la 2nde Guerre Mondiale, qui ont donné leur vie pour que la France retrouve sa liberté d'agir et de penser. Cette œuvre fait passer un message très fort : quel que soit le mal qui nous opprime, il ne faut jamais baisser les bras et se battre jusqu’au bout, quel qu’en soit le prix (ici, la mort pour les rebelles). Je trouve dommage que ce message ne passe pas bien chez certaines personnes, c’est pour cela que j’encourage tout le monde à voir cette œuvre et à se renseigner sur ce qu’est la résistance.
Le bémol de ce tableau vient de la vie de GOYA : il a peint les portraits de plusieurs collaborateurs et juré « amour et fidélité » au roi Joseph pendant l’occupation française, et n’aurait peint ce tableau que pour se racheter aux yeux de la société, et en particulier pour échapper à la campagne d’épuration instaurée par le roi Ferdinand VII. C’est dommage. Il reste cependant un très grand peintre et je ne veux retenir de lui que cet art de la composition mis au service d’une grande cause.